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«Cachez ces mendiant-es que nous ne saurions voir» – Ou quand la droite cache les pauvres sous le tapis

Il est des votes qui marquent les esprits et dont on se souvient longtemps après. Celui de la majorité de droite du Grand Conseil sur l’interdiction de la mendicité à Genève sera de ceux-là. Hélas, pour de bien tristes raisons, puisque c’est par sa violence symbolique et son cynisme que ce vote marque aujourd’hui de son sceau cette législature.

Cette session du Grand Conseil laissera définitivement un goût très amer. Alors que la majorité de droite a refusé hier, sans états d’âme, d’entrer en matière sur le projet de budget du Conseil d’Etat, privant de ce fait la population de prestations essentielles en cette période de crise, voilà qu’elle redouble de cynisme en entérinant aujourd’hui le vote d’un véritable «projet de loi de la honte».

Pour rappel, le 19 janvier 2021, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rendait un arrêt à la conclusion limpide : une interdiction formelle de la mendicité telle que celle qui prévaut à Genève est disproportionnée et viole la Convention européenne des droits de l’homme. C’est un affront pour Genève, qui se veut capitale des droits humains. En d’autres termes, cette interdiction générale, matérialisée dans l’article 11A de la loi pénale genevoise, est incompatible avec les droits humains fondamentaux et doit être abolie. 

Cette situation, incontestable au plan juridique, aurait pu – aurait dû – mener à la suppression pure et simple de l’article incriminé, ainsi qu’à l’amnistie des victimes de cette disposition. C’est ce que demandait fort logiquement un projet de loi déposé par le groupe Ensemble à gauche en janvier dernier et soutenu par les groupes des Socialistes et des Vert-e-s. Mais c’était sans compter sur l’obsession anti-pauvres et la fourberie de la majorité de droite du Grand Conseil, qui après avoir refusé ce projet de loi en commission l’a aujourd’hui balayé en plénière (entrée en matière refusée à 55 NON contre 39 OUI et 1 abstention), lui préférant une proposition du PLR visant à restreindre au maximum, et par des voies détournées, les possibilités de mendier. 

«Interdire la mendicité n’est plus possible en droit ? Qu’à cela ne tienne, restreignons son exercice jusqu’à ce qu’elle soit impraticable». Voilà la logique qui a présidé au vote d’un projet de loi qui dresse une longue liste de lieux dans lesquels la mendicité est proscrite (même les «amarrages de bateaux» y ont trouvé leur place !). Le stratagème est le suivant : la mendicité n’est plus formellement interdite, elle n’est simplement autorisée… nulle part, à l’exception peut-être des zones inhabitées. Ce projet de loi rédigé dans la précipitation et hâtivement raffistolé en plénière avant d’être voté sur le siège est en outre instable juridiquement. L’association Mesemrom annonce déjà un recours. Le sort de cette mauvaise loi se réglera donc devant la justice. 

En matière de mendicité, ce qui dérange la droite c’est d’abord et avant tout l’insupportable trouble à l’ordre public que causent les pauvres qui auraient, de par leur détresse, le culot d’importuner les citoyen-nes. La droite a poussé sa fixation jusqu’à demander de joindre une clause d’urgence à ce projet de loi inique. Echec. Il y a manqué la majorité des deux-tiers du parlement.

Ce vote choque par sa violence. Il est le révélateur d’une vision politique nauséabonde qui s’exprime avec force au sein de ce parlement cantonal, vote après vote, objet après objet, et qui consiste à criminaliser la pauvreté et enfoncer encore un peu plus celles et ceux qui, du fait d’aléas de la vie ou en raison d’inégalités de conditions ont le malheur de s’y trouver. 

A droite, la lutte contre la pauvreté est simpliste ; si on ne la voit pas, elle n’existe pas. Les partis de l’Alternative, réalistes, continueront eux à défendre, même dans la minorité, l’existence de celles et ceux que la majorité refuse de considérer et sur laquelle elle souhaite taper pour en faire des boucs émissaires.

Pour plus d’informations :

  • Parti socialiste : Xhevrie Osmani, rapporteure (076 224 09 92), Alberto Velasco, rapporteur (079 373 82 29), Caroline Marti, cheffe de groupe (079 796 36 23)
  • Les Vert-e-s : Dilara Bayrak, rapporteure (076 615 71 74), Sophie Desbiolles, commissaire à la commission judiciaire (079 255 85 25), Marjorie de Chastonay, cheffe de groupe (077 415 33 50)
  • Ensemble à Gauche : Jocelyne Haller, rapporteure (076 382 01 82)
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