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Un pas historique pour les droits humains en Suisse

Par Dorina Xhixho
Diplomate et politologue


En décembre 2018, après six années d’efforts de notre camarade Mathias Reynard, le Parlement suisse a dit OUI à l’inclusion de « l’orientation sexuelle » dans l’article 261bis du Code pénal suisse, une révision qui criminalisera l’homo- et la biphobie et permettra enfin aux personnes LGB de bénéficier d’une protection telle que prévue à l’article 8 de la Constitution suisse, qui sinon n’est pas directement applicable aux actes homo- et biphobes.

Bien que le Parti socialiste regrette que cette révision n’inclue pas les propos incitant à la haine ou à la discrimination basées sur l’identité de genre, elle représente un grand pas en avant pour les droits humains en Suisse.

Résumons donc ce que cette révision du Code pénal impliquera pour notre société ; elle :

1. Mettra en lumière le caractère bi- ou homophobe des paroles ou actes haineux, levant toute ambiguïté sur la raison pour laquelle ils sont commis, à savoir une homophobie ou biphobie qu’elle va pénaliser et qualifier de répréhensible.

2. Condamnera les discours de haine et l’incitation à la discrimination et la violence contre les minorités sexuelles. Les rhétoriques publiques visant les minorités sexuelles seront prohibées, répondant ainsi à un besoin réel et offrant une protection juridique nécessaire à une composante particulièrement vulnérable de la population.

3. Revêtira une dimension éducative et symbolique capitale en mettant en évidence la position d’une Suisse s’élevant contre les violences et discriminations basées sur l’orientation sexuelle, lorsque les codes moraux et éthiques ne suffisent plus à protéger les personnes LGBTIQ* en Suisse.

4. Ne créera ni nouveaux droits ni privilèges pour les minorités sexuelles. La modification du Code pénal assurera une protection spécifique aux minorités sexuelles, qui subissent des violences et des discriminations sans être protégées, à la différence d’autres groupes vulnérables.

5. N’impliquera ni censure ni limitation de la liberté d’opinion. Sans aucune incidence sur la sphère privée des personnes, elle ne s’appliquera pas aux discussions interpersonnelles (en famille, entre amis) et ne pourra être invoquée qu’en cas d’incitation publique et répétée à la violence et au discours de haine.

6. Ne produira aucun conflit au sein de l’édifice des droits fondamentaux, qu’elle contribuera au contraire à équilibrer, dans l’intérêt de tous et toutes, rétablissant un ordre public menacé par les discours de haine et les violences visant les minorités sexuelles.

En avril 2019, l’UDF (l’Union Démocratique Fédérale) a fait son « coming-out » en tant que parti homophobe avec un référendum à l’intitulé mensonger et fallacieux (« Non à la censure ») pour empêcher une révision du Code pénal qui leur est insupportable.

Ce référendum impose au peuple suisse un débat qui n’a pas lieu d’être, tant la révision demandée va de soi et correspond à des impératifs constitutionnels, et alors que les chiffres parlent d’eux-mêmes (voir encadré).

Au vu de ces chiffres, qui peut dire sans mentir que nous n’avons pas besoin de pénaliser l’homo- ou la biphobie ?
Le 9 février 2020, mobilisons-nous en masse en faveur des droits humains et votons OUI à une même protection pour tou-te-s les habitant-e-s de notre pays.

 

Contre les discriminations, transformons l’essai le 9 février !
Interview de Mathias Reynard, Conseiller national

 

Mathias Reynard, Conseiller natio-nal PS pour le Valais est à l’origine de cette modification de loi. Il nous en dit un peu plus sur le processus qui nous conduit aujourd’hui aux urnes.

Qu’est-ce qui t’a amené à déposer cette initiative parlementaire ?
Plusieurs personnes de mon entourage ont été victimes de discriminations et cela m’a évidemment sensibilisé. J’ai également pris conscience qu’il s’agissait avant tout d’une question de droits humains et de convergence des luttes.

Quel a été le chemin pour en arriver jusqu’à ce vote ?
J’ai déposé cette initiative parlementaire au début de l’année 2013. Plusieurs textes allant dans ce sens avaient déjà été rejetés auparavant malgré les recommandations au niveau international. Nous savions qu’il serait donc très compliqué de le faire adopter et nous avons alors entamé un long travail pour convaincre un à un les parlementaires. Grâce à ce travail, le texte a finalement été accepté par une large majorité fin 2018.

Que dirais-tu aux opposant-e-s à cette loi ?
Le taux de suicide chez les jeunes homosexuel-le-s est bien plus élevé que chez les jeunes hétérosexuel-le-s et l’incitation à la haine en est en partie responsable. Cette loi ne va rien changer à la liberté d’expression. Nous avons déjà une loi contre le racisme, il est grand temps d’étendre cette norme pour lutter contre cette haine, pour un meilleur vivre ensemble.

Comment pouvons-nous faire campagne jusqu’au 9 février ?
La campagne est loin d’être gagnée ! Si cela a pris autant de temps au Parlement c’est bien qu’il y a une forte opposition et que le sujet ne fait pas l’unanimité. Beaucoup ne le diront pas ouvertement mais voteront contre. Nous devons nous mobiliser, convaincre autour de nous, nous engager dans les comités de soutien.

Que pouvons-nous espérer si le OUI l’emporte ?
Nous aurons enfin une protection contre la haine homophobe, ce qui changera la vie de milliers de personnes. Cela nous permettra aussi d’avoir des chiffres fiables qui permettront de mettre sur pied des pro-
grammes de sensibilisation efficaces.

L’étape d’après sera le mariage pour toutes et tous. Le parlement fédéral se prononcera sur cette question en mars prochain.

Propos recueillis par
Clémence Peillex

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